La tribune de Luc Thomas, Directeur de Prométerre, Association vaudoise de promotion des métiers de la terre
En lançant l’appel Stop à l’Agrobusiness, quatre organisations de défense de l’environnement, ProNatura et le WWF en tête, renouvellent, de façon concertée cette fois-ci, leurs attaques contre l’agriculture.
Conscients du capital de sympathie dont la paysannerie jouit dans le public, ces organismes tentent de ménager les agriculteurs – dont ils fustigent par ailleurs les pratiques – en les présentant comme les victimes d’un système dont les promoteurs seraient l’Union suisse des paysans et fenaco, notamment. Si l’objectif à la veille des débats sur la Politique agricole 2022 + était de diviser le monde paysan pour réduire sa capacité à défendre ses intérêts, elles ne s’y prendraient pas autrement. Les agriculteurs ne sont toutefois pas dupes. Et ils le seront d’autant moins sachant que le financement de cette campagne est en grande partie assurée par une fondation en main de descendants d’un grand groupe pharmaceutique bâlois, qui ne nous semble pas être la mieux placée pour donner à l’agriculture des leçons sur ses rapports avec la nature.
«Contraindre l’agriculture à orienter sa production et adopter des pratiques culturales en décalage avec ce que le consommateur demande et est prêt à payer ne résoudra aucun des problèmes soulevés mais aura pour seul effet de les exporter et de les aggraver.»
Sur le fond des revendications, rien de nouveau. Elles comprennent essentiellement la renonciation aux produits de synthèse, phyto et engrais, une réduction massive de la production carnée et des importations de fourrage, ainsi que le développement de la biodiversité sur l’ensemble du territoire agricole et pas seulement sur des surfaces qui lui sont dédiées. Cette vision de l’orientation que devrait prendre l’agriculture sous l’impulsion de la future politique agricole appelle la même objection de fond que celle déjà formulée à propos des initiatives visant le bannissement des «phyto»: contraindre l’agriculture à orienter sa production et adopter des pratiques culturales en décalage avec ce que le consommateur demande et est prêt à payer ne résoudra aucun des problèmes soulevés mais aura pour seul effet de les exporter et de les aggraver. A quoi sert-il en effet de diminuer notre production sous prétexte de mieux préserver l’environnement si c’est pour importer les quantités manquantes de pays dont les standards de production sont inférieurs aux nôtres? Quel sens y a-t-il à vouloir renoncer à produire des porcs et de la volaille en Suisse si nos concitoyens continuent à en consommer autant et qu’il faut donc en importer davantage?
Pour faire changer les choses, ce n’est pas au premier maillon de la filière agro-alimentaire, l’agriculture, qu’il faut s’en prendre mais au dernier qui en est aussi l’élément moteur: le consommateur. Si son comportement et sa demande évoluent, l’agriculture saura s’y adapter, comme elle l’a toujours fait.
Article paru dans Agri – hebdomadaire professionnel agricole de la Suisse romande.