Les producteurs de betteraves tirent la sonnette d’alarme. Comme à Fribourg, où ils ont convié les politiques sur le terrain pour qu’ils constatent l’ampleur de ce problème dû à un virus qui menace la culture de la betterave sucrière en Suisse.
«L’objectif est de montrer comment les décisions politiques influencent le travail des producteurs.»
Martin Blaser,
Président de l’Association fribourgeoise des producteurs de betteraves à sucre
Partout en Suisse, on assiste au même spectacle. Les champs de betteraves qui devraient être verdoyants en cette saison sont désespérément jaunasses, comme fanés bien avant l’heure. Et ce n’est pas le soleil, qui a régné en maître durant l’été, le responsable. Mais un virus transmis par les pucerons. S’il affecte à ce point les cultures, cette année, c’est une des conséquences de l’interdiction d’utiliser des néonicotinoïdes depuis 2019.
Politiciens sur le terrain à Fribourg
À Fribourg, où l’ensemble du canton est concerné par la problématique, l’Association fribourgeoise des producteurs de betteraves à sucre a invité, en début de semaine, des élus politiques, cantonaux et fédéraux, à venir constater sur le terrain l’ampleur des dégâts. «L’objectif, souligne le président de l’association, Martin Blaser, est de montrer comment les décisions politiques influencent le travail des producteurs.»
Teneur en sucre très basse
Si les feuilles sont tristement jaunes, le vrai problème se trouve sous la terre. La maladie entrave en effet le développement des racines. Résultat: cette année, les betteraves sont beaucoup plus petites. Quant aux premières récoltes, elles confirment les pires craintes des producteurs: les teneurs en sucre sont particulièrement basses. L’industrie estime une baisse de rendement allant jusqu’à 50%.
Vu la situation, il y a un risque que les agriculteurs arrêtent la production dès l’année prochaine. Ces dernières années, en Suisse, la superficie consacrée à la culture de la betterave est déjà passée de 21’000 à environ 18’000 hectares. Josef Meyer, président de la Fédération suisse des betteraviers (FSB), s’attend à une diminution de 3’000 à 4’000 hectares de betteraves l’année prochaine si rien n’est effectué. Des surfaces cultivées encore plus petites constitueraient une menace pour les deux sucreries d’Aarberg et de Frauenfeld et donc pour la production sucrière suisse.
Autorisation d’urgence requise
«À l’exception de l’Italie, tous les États membres de l’UE ont à nouveau approuvé des produits contenant des néonicotinoïdes, en partie comme enrobage et en partie comme agents de pulvérisation.»
Josef Meyer, Président de la Fédération suisse des betteraviers (FSB)
Pour éviter cela, la FSB, de même que l’Association fribourgeoise des producteurs de betteraves, demandent une autorisation d’urgence, limitée à trois ans, pour le traitement des semences. Après cela, les producteurs espèrent que des variétés plus tolérantes seront disponibles.
La demande d’autorisation urgente a été soumise à l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG). Cette mesure vise également à créer des conditions équitables avec les États membres de l’UE. «À l’exception de l’Italie, tous les États membres de l’UE ont à nouveau approuvé des produits contenant des néonicotinoïdes, en partie comme enrobage et en partie comme agents de pulvérisation», a relevé Josef Meyer lors d’une récente conférence de presse dans le Seeland bernois.
Pas d’abeilles dans les champs de betteraves
Une abeille butine une fleur de colza. © pixabay
«Les champs de betteraves sucrières, en revanche, ne sont pas une culture attrayante pour les abeilles et autres pollinisateurs, car les betteraves ne fleurissent pas.»
Joël Rösch,
Betteravier de Hermrigen (BE)
Les néonicotinoïdes ont été interdits en raison de leur danger pour les abeilles et autres pollinisateurs. «Les champs de betteraves sucrières, en revanche, ne sont pas une culture attrayante pour les abeilles et autres pollinisateurs, car les betteraves ne fleurissent pas. De plus, l’enrobage des semences, qui est utilisé pour la culture de betterave est plus doux», explique le betteravier Joël Rösch de Hermrigen (BE).
Si l’autorisation d’urgence entre en vigueur, les betteraviers entendent aller de l’avant en parallèle. «Dès l’année prochaine, nous commencerons les premiers essais en champ avec des variétés résistantes», assure Josef Meyer. Des agents alternatifs et des méthodes de contrôle biologique ainsi que des bandes d’insectes bénéfiques seront également testés.
Un hiver doux favorable au virus
Le jaunissement viral est répandu dans le monde entier et constitue la maladie la plus importante sur le plan économique pour la betterave sucrière. Le virus appelé BYV (Beet Yellow Virus) est transmis par les pucerons lors de la succion. En Suisse, les pucerons verts sont un problème particulier, explique Samuel Jenni, gérant du Centre betteravier suisse. Les pucerons verts sont plus difficiles à contrôler avec des insectes bénéfiques que les pucerons noirs. Comme le dernier hiver a été doux, il a permis aux pucerons d’hiberner vivants. C’est pourquoi les premiers symptômes du jaunissement viral en Suisse cette année sont apparus dans le Chablais le 8 juin, plus tôt que jamais auparavant. Dans les régions de culture occidentales, entre 80 et 90% des champs sont susceptibles d’être infestés.
Syndrome des basses richesses
La betterave sucrière souffre d’une autre maladie récente: le «syndrome des basses richesses» (SBR). Elle est causée par des bactéries qui sont transmises par la cigale à ailes de roseau. La maladie est apparue pour la première fois en Suisse en 2017 et n’a cessé de se propager depuis. Les conséquences du SBR sont la faible teneur en sucre des betteraves. Il a été démontré que le SBR peut être contrôlé avec des variétés tolérantes, explique Samuel Jenni, gérant du Centre betteravier suisse. Cependant, ces variétés ne tolèrent que le SBR, elles sont impuissantes face au jaunissement viral.
Article paru sur agirinfo.com (Pascale Bieri/AGIR).