En Suisse, le nombre d’exploitations agricoles ne cesse de diminuer. La surface exploitée par chaque agriculteur est ainsi en hausse, mais la taille moyenne par parcelle reste faible car certains agriculteurs possèdent des terres morcelées, situées sur divers emplacements. Cet état de fait génère diverses problématiques, notamment d’un point de vue écologique, puisque les déplacements nécessaires avec les machines agricoles ne sont pas rationalisés. Cependant, une amélioration foncière est possible grâce au remaniement parcellaire. Exemple avec le Canton du Jura.
Jadis, les exploitations agricoles étaient plus petites qu’actuellement. De plus, certaines successions ont donné lieu à des partages de parcelles au sein d’une même famille, émiettant encore davantage les terrains. Les regroupements de parcelles se sont vite avérés nécessaires. En Suisse, des mesures ont été prises à partir du XIXème siècle. Les remaniements parcellaires furent particulièrement encouragés avant et pendant la Deuxième Guerre mondiale. Le but principal à cette époque était d’augmenter la production de denrées alimentaires. Après la fin de la guerre, les améliorations foncières permettaient l’aménagement de chemins et de réseaux d’eau, ainsi que la construction de bâtiments ruraux. Avec la mécanisation de l’agriculture, il est devenu nécessaire de rationaliser les travaux liés à l’exploitation du sol. Depuis les années 2000, les améliorations foncières cherchent à concilier les intérêts agricoles, la protection de la nature et du paysage et les autres demandes des promeneurs, cyclistes et cavaliers.
Les enjeux du remaniement parcellaire
Le remaniement parcellaire consiste à mettre en commun des biens-fonds compris dans un périmètre et à redistribuer le sol entre les propriétaires concernés. L’objectif prioritaire est d’assurer la culture des terres, par leur répartition judicieuse. Cette procédure est régie par la loi cantonale sur les améliorations structurelles. En premier lieu, un avant-projet est élaboré, puis un syndicat d’amélioration foncières est constitué. Chaque propriétaire doit pouvoir retrouver ses intérêts dans la manœuvre. À cette fin, tout le monde est entendu sur ses «vœux » par des personnes neutres. Afin de connaître la valeur de la terre, des études pédologiques sont menées. Ensuite, les terres sont redistribuées en fonction des demandes de chacun et des équipements et aménagements sont réalisés.
Le financement
Le coût d’un tel projet est élevé. Il faut compter en moyenne 10’000 fr. par hectare. Les subventions fédérales, cantonales et communales octroyées avoisinent les 70% à 85% de ce coût. La Confédération entre en matière sur un financement uniquement si le canton finance au minimum à 90% de la part fédérale. Ce qui signifie que pour chaque franc dépensé par le canton dans un projet de remaniement, au moins un franc est investi par la Confédération dans notre région. Ces dernières années, le canton du Jura dépensait environ 2 millions de francs par année, rapportant ainsi 2 à 2,5 millions déboursé par la Confédération. Ce montant pourrait cependant être revu grandement à la baisse compte tenu des propositions relatives au plan d’équilibre financier émises par le Gouvernement jurassien.
de multiples avantages
En premier lieu, cette amélioration structurelle a pour but de rationaliser le travail et les coûts de production. Elle doit aussi permettre d’améliorer l’accès aux différentes parcelles grâce à des chemins agricoles. Comme le paysage est remodelé, il est également nécessaire d’installer des surfaces de promotion de la biodiversité afin de créer un maillage pour la faune et favoriser la flore. En outre, grâce au positionnement et au dimensionnement des parcelles, la lutte contre l’érosion est améliorée ce qui permet une installation des cultures perpendiculaire à la pente. Les remaniements parcellaires simplifient grandement le travail quotidien des agriculteurs, mais ce ne sont pas les seuls gagnants de cette démarche. Chaque habitant est bénéficiaire de la diminution du trafic rural à l’intérieur des villages et de l’amélioration des chemins de campagne. Chacun profite aussi de la plus-value paysagère. Pour les communes, le projet permet une remise en état du réseau de chemins ruraux et diminue les coûts d’infrastructure. En couplant le projet avec la révision du plan d’aménagement local, cela facilite la maîtrise des terrains en zone constructible. Finalement, l’aménagement des nouvelles parcelles soutient le recours aux technologies de notre époque et favorise une agriculture de précision plus durable.
Trois questions à Bernard Studer, ingénieur géomètre
Quel est le rôle de l’ingénieur géomètre lors d’un remaniement parcellaire ?
L’ingénieur géomètre assure la direction technique du syndicat d’amélioration foncière. Il participe à l’estimation des terres, à l’établissement du projet général. Il accompagne la commission d’estimation dans toutes ses activités, en particulier lors des journées de vœux. Il élabore l’ensemble des dossiers pour chaque procédure de dépôt public. Il établit le projet de nouvelle répartition des terres en collaboration avec la commission. Il assure également la direction des travaux en phase de construction (appels d’offres, piquetage, suivi de chantier, décompte). Au terme du remaniement, il procède à l’abornement des parcelles, à la nouvelle mensuration et à l’inscription au Registre foncier. C’est le principal interlocuteur des propriétaires, des exploitants et des instances subventionnantes.
Qu’apportent les remaniements parcellaires à la société ?
Ils apportent plusieurs avantages : réduction du trafic agricole et des nuisances qui l’accompagnent (bruit, qualité de l’air, sécurité des usagers) ;aménagements de chemins et sentiers pour les activités touristiques et de loisirs ;valorisation du cadre de vie ;protection des milieux naturels.
Quels sont les impacts sur la biodiversité ?
Depuis 1988, les remaniements parcellaires de plus de 400 ha sont soumis à étude d’impact sur l’environnement. Des bureaux spécialisés sont associés au processus. Les mesures de compensation de diverses natures sont réalisées par les remaniements parcellaires : plantation de haies, de vergers, remises à ciel ouvert de cours d’eau, aménagement de zones humides, extensification de certains secteurs. Le remaniement parcellaire permet par ailleurs de mutualiser les impacts de ces milieux et d’en répartir les emprises entre les propriétaires. Ces différents milieux sont ensuite protégés durablement. Ils permettent de combler certains secteurs lacunaires des réseaux écologiques.