«Les pets des vaches sont responsables du changement climatique», voici des titres déjà parus qui interrogent. Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement, le méthane dégagé par les ruminants serait même la cause première du réchauffement climatique. La question peut donc sembler légitime: faut-il arrêter d’élever des vaches en Suisse au nom du climat?
Le méthane, c’est quoi?
Le méthane est un gaz qui résulte essentiellement de la fermentation et de la digestion – donc de la vie. Sa structure physique rend son effet de serre 27 fois supérieur à celui du CO2. Néanmoins, le méthane se dégrade naturellement en CO2 après 10 ans et ne s’accumule donc pas dans l’atmosphère pour des milliers d’années (comme le CO2 d’origine fossile).
L’autre nom du méthane est «gaz naturel». Il se forme naturellement à partir du pourrissement de matière organique sous terre ou sous l’eau et accompagne typiquement le pétrole ou le charbon. Le gaz naturel est brûlé dans les chaudières, comme carburant ou pour la cuisine.
Les principales sources naturelles de méthane sont les marais, les tourbières, les mangroves (des forêts qui poussent les pieds dans l’eau), et les rizières avec la fermentation de matière organique sous l’eau. L’autre est la fermentation entérique (de l’estomac) des animaux qui consomment des végétaux, soit principalement les ruminants et les termites.
À cela s’ajoutent des sources d’émissions de méthane d’origine humaine. Depuis l’ère industrielle moderne, l’extraction et le transport de pétrole, de charbon et de gaz induisent d’importantes pertes de méthane vers l’atmosphère. La production massive de gaz de schiste (du gaz naturel contenu dans des roches que l’on fracture pour l’extraire) a encore accru cet effet et augmenté la teneur atmosphérique en méthane qui tendait auparavant à stagner. Les décharges à ciel ouvert, dans lesquelles les déchets alimentaires, les végétaux, le papier ou le bois fermentent, sont la deuxième source massive de méthane d’origine humaine.
Un problème potentiel inquiétant est la libération du méthane bloqué dans le permafrost (sol gelé en permanence) – notamment des grandes plaines marécageuses sibériennes. Il existe également du méthane gelé dans les fonds océaniques (hydrates de méthane), qui là aussi pourrait s’échapper avec le réchauffement des océans. Ces émissions supplémentaires de méthane fossile pourraient causer un important effet de serre à court terme.
La production de méthane par les ruminants
Les ruminants (bovins, moutons, chèvres) sont les principaux producteurs de méthane naturel après les marais, tourbières et autres cités plus haut. Comme leurs cousins sauvages (cerfs, chevreuils, chamois, bisons), ils se nourrissent d’herbe et de végétaux indigestes ou peu digestes pour les non-ruminants (poules et porcs). Comment font-ils alors pour les digérer?
Pas qu’un seul estomac! Les ruminants ont plusieurs estomacs équipés de flores bactériennes spéciales, qui leur permettent de digérer la cellulose, dont certaines produisent ainsi du méthane.
D’ailleurs, pour revenir sur une idée reçue, ce sont bien les rots des vaches qui produisent principalement le méthane et non les pets. Par contre, le fumier (composé d’excréments principalement), émet lui aussi du méthane par fermentation bactérienne.
Le méthane émis par les ruminants fait partie du cycle naturel du carbone: le carbone qui est stocké dans l’herbe lors de la photosynthèse est libéré sous forme de méthane lors de la digestion du fourrage. Il retourne in fine à l’herbe sous forme de CO2, une fois que le méthane se dégrade après 10 ans. La quantité de méthane – et l’effet de serre qui y est lié – due aux ruminants est donc constante et dépend en réalité du nombre de têtes de bétail dans le monde. C’est ainsi que les bisons qui parcouraient jadis les grandes plaines américaines et qui ont été remplacés par les bovins ont un bilan – climatiquement – neutre.
Réduire les émissions de méthane par les ruminants
Il existe des possibilités pour réduire le méthane émis par les ruminants et le fumier, pour que l’agriculture participe à l’effort commun de réduction du réchauffement climatique. Diverses initiatives existent pour cela et les associations paysannes, les centres de recherche en agronomie et les entreprises du domaine font preuve d’une grande créativité.
Grâce aux installations de biogaz agricoles, de l’énergie renouvelable est produite à partir de lisier et de fumier © Proconseil
Par exemple, couvrir le fumier au moyen de bâches ou en modifier la gestion est une solution simple pour réduire les émissions de méthane produites au contact de l’air. Il est aussi possible de valoriser cet effet en mettant le fumier dans un méthanisateur qui produira du biogaz (du méthane également!) exploitable comme carburant, tout en utilisant ensuite ce qui reste pour fertiliser les champs.
En Suisse, le nombre de bovins a diminué de 5% entre 2000 et 2020, tandis que les moutons ont diminué de 18%. Il y a donc une baisse des émissions globales pour la Suisse.
On travaille également de plus en plus sur l’alimentation. Une modification légère de la ration alimentaire avec l’adjonction de graines de lin et de colza permet de réduire les émissions de 10 à 15% tout en apportant d’intéressants nutriments. Il existe également des suppléments et additifs spécifiques ou en cours de développement.
Outre une plus-value éventuelle dans certaines filières, la réduction des émissions de méthane est finançable par des crédits carbone, un marché qui va encore se développer. Elle fait partie de l’ensemble des mesures qu’un agriculteur ou éleveur peut prendre pour améliorer son impact sur l’environnement.
Le méthane des ruminants s’inscrit dans un cycle naturel
Certes, l’élevage comprend son lot d’inconvénients climatiques à cause de la physiologie particulière de la rumination qui émet du méthane à fort effet réchauffant. Ce gaz naturel est donc régulièrement pointé du doigt comme facteur majeur de réchauffement. Néanmoins, l’effet réchauffant dû aux ruminants reste stable dans le temps et n’augmente plus. Il est même stable dans certains cas sur des centaines d’années, par exemple en Amérique du Nord où les bovins ont remplacé les bisons.
Bovins, moutons et chèvres émettent un gaz naturel qui est à différencier du méthane d’origine fossile émis notamment par l’exploitation du pétrole, charbon et gaz ainsi que les décharges à ciel ouverts. Ces dernières, liées au développement industriel et urbain, expliquent la hausse massive de méthane atmosphérique. Cela se lit sur les courbes de méthane atmosphérique qui montrent une hausse importante ces dernières années et qui coïncide avec la mise en exploitation du gaz de schiste.