Durant cet été 2021 à la météo inhabituellement pluvieuse, on a beaucoup entendu parler du mildiou et de ses ravages, en particulier sur la vigne. Mais de quoi s’agit-il exactement? Explications.
Le mildiou est le nom d’une maladie des plantes provoquée par plusieurs espèces de micro-organismes parasites proches des champignons. Plusieurs de nos plantes cultivées ont leur propre mildiou telles que la tomate, la pomme de terre, le fraisier et la vigne.
Originaire d’Amérique du Nord, le mildiou de la vigne s’est installé en Europe dès 1878. Il s’est introduit en profitant de l’importation de plants américains, résistants à l’oïdium et au phylloxera, deux autres maladies qui sévissaient déjà en Europe. Les «années à mildiou» ont régulièrement produit de mauvaises, voire très mauvaises récoltes, comme par exemple en 2016.
Le mildiou de la vigne parasite les parties vertes de la plante. Si les conditions lui sont favorables, avec de l’humidité en particulier, l’infection devient rapidement exponentielle sur une parcelle. Les feuilles atteintes se nécrosent et se dessèchent, ce qui met en danger le développement des grappes, voire la plante elle-même.
Les conséquences sont une baisse de rendement (moins de raisin), un affaiblissement des vignes et un amoindrissement de la qualité du vin (goût).
Dans les cas extrêmes, la perte de récolte peut être totale et les conséquences se faire sentir sur plusieurs années.
Transporté par les gouttes de pluie
Le cycle annuel du mildiou commence au printemps quand les températures dépassent 10 degrés et permettent la maturation des œufs d’hiver (oospores) produits en fin de saison précédente. En effet, ceux-ci tombent au sol en automne avec les feuilles et produisent alors des graines mobiles appelées zoospores. En cas de précipitations, les gouttelettes de pluie transportent ces graines, qui rebondissent au sol vers les faces inférieures des feuilles nouvelles; on parle ici de contamination primaire. Le zoospore entre dans les feuilles, se développe et produit des arbuscules appelés sporangiophores. Ces organes émettent de nouveaux zoospores qui colonisent d’autres feuilles, baies et plants alentours: il s’agit de contamination secondaire. En saison, contaminations primaires et secondaires peuvent se dérouler en parallèle, d’où le caractère épidémique de la maladie.
Le cycle de développement du mildiou
© La Vigne: Volume 1 – Maladies fongiques. Ed. AMTRA, Agroscope Changins. 2014, p. 97
Que faire contre le mildiou?
Pour lutter contre le mildiou, le botaniste français spécialiste de la vigne Alexis Millardet met au point en 1885 la bouillie bordelaise, appelée ainsi car employée d’abord dans ce vignoble français. Cette poudre, mélange de sulfate de cuivre et de chaux, est appliquée sur les feuilles (on parle alors d’un fongicide de contact) et se reconnaît sous sa forme de poussière bleue turquoise. Fongicide (tueur de champignon) efficace, elle est utilisée uniquement en prévention. Ce traitement fonctionne aussi contre d’autres maladies fongiques (tavelure, chancre, bacteriose, etc.), par exemple sur les arbres fruitiers.
En agriculture bio et biodynamique, la lutte contre le mildiou se fait presque systématiquement avec du cuivre, et la bouillie bordelaise est le produit le plus souvent utilisé, considéré comme un pesticide naturel et compatible avec les cahiers des charges. La bouillie est très facilement lessivée par la pluie, à partir d’une vingtaine de millimètres, car elle reste en surface et cela oblige à traiter plus souvent (parfois quotidiennement) en période de fortes précipitations comme en cet été 2021. Le cuivre, un métal lourd, s’accumule aussi dans le sol, ce qui engendre parfois des critiques contre cette méthode.
En viticulture intégrée, il est possible d’employer des produits dits pénétrants ou systémiques, qui résistent au lessivage car ils pénètrent dans les organes. Ces solutions de synthèse ont davantage d’efficacité et de possibilités curatives que le cuivre. Lors des épisodes de mildiou, les vignerons ayant pu traiter avec ces produits ont des infections au mildiou bien moins sévères que les viticulteurs bio et biodynamiques, puisque la bouillie bordelaise peut se révéler insuffisante quand les infections sont fortes ou à certains stades de croissance de la vigne.
Il existe également des cépages qui résistent au mildiou naturellement. Ce sont des cépages américains ou asiatiques ou des cépages obtenus par croisements et longue sélection, comme le Divico (croisement entre le Gamaret et le Bronner), lancé par Agroscope en 1997. Cependant, nos cépages classiques ne seront jamais résistants. Il faudra donc habituer le consommateur à de nouveaux goûts et arômes. En Suisse à l’heure actuelle, les cépages résistants ne représentent que 3% des surfaces viticoles.
De plus, on observe parfois que certaines populations de mildiou arrivent à contourner la résistance de certains de ces cépages.
Une question de météo
La pluie et la rosée favorisent l’infection de la vigne par le mildiou, qui est généralement absent les années sèches. La pluie a une triple conséquence sur cette maladie fongique:
- Elle favorise et permet son expansion (ces organismes ont besoin d’eau).
- Elle favorise sa diffusion primaire (par les gouttelettes qui rebondissent sur le sol).
- Elle rend les interventions plus difficiles en lessivant les produits de contact et en empêchant le traitement pendant les précipitations.
En outre, lorsque le temps est très pluvieux et les fenêtres de météo «sèche» rares comme en cet été 2021, les sols sont difficilement praticables, voire impraticables, ce qui ne permet tout simplement pas de traiter.
Pour juguler l’attaque du mildiou, les viticulteurs doivent surveiller en permanence la météo, leurs parcelles et la situation locale.
Il faut pouvoir traiter à temps, avant que l’infection n’explose en se généralisant à tout une parcelle de manière exponentielle, ou alors traiter très régulièrement pour limiter l’extension. Il existe des réseaux de surveillance, qui guettent l’arrivée du parasite afin de traiter préventivement. Des mesures prophylactiques de prévention sont également à mettre en place dès le début de saison. Il s’agit par exemple de bien nettoyer le bas des ceps pour éviter que des repousses ne servent d’escalier à mildiou lors de la période de contamination primaire.