Par Yann Huguelit
Directeur de la Chambre neuchâteloise d’agriculture et de viticulture (CNAV)
Nos alpages et pâturages suisses sont broutés par plus d’une quarantaine de races différentes de vaches qui prennent souvent la pose pour le grand bonheur des touristes et des passants. En Suisse, la vache symbolise notre terroir et notre savoir-faire acquis depuis des générations. Et parmi nos bovins, on constate une grande diversité: il y en a de toutes les couleurs de robe, de toutes les corpulences et tailles de mamelles, coiffées de cornes ou non. Souvent, l’apparence reflète le type de production choisi par l’éleveur.
Le lait, or blanc de la Suisse
Entre autres possibilités de production issue de l’élevage bovin, le lait tient une place de choix dans l’imaginaire collectif. Comme c’est le cas pour les autres filières bovines, toutes les vaches ne sont pas égales quant à leurs capacités à produire du lait. Et, en plus des caractéristiques liées à sa race, la performance laitière d’une vache dépend de nombreux facteurs, en particulier liés aux conditions de détention et à l’alimentation. Ainsi, depuis plus de 60 ans, les générations d’éleveurs se succèdent en travaillant à faire fructifier leurs troupeaux, en harmonie avec le lieu de vie, ses conditions topographiques et la nourriture à disposition.
L’ensemble de ces facteurs s’est donc vu amélioré, et en particulier le bien-être animal, avec la généralisation d’une détention du bétail qui permet une liberté de mouvement conduisant au retour de comportements naturels. Voilà pourquoi la performance laitière par vache n’a cessé d’augmenter, et ceci malgré l’interdiction d’usage de substances stimulant la production.
Le bien-être des vaches au centre des préoccupations des éleveurs
Si la législation suisse est très stricte à ce sujet, beaucoup d’exploitations familiales vont plus loin que les exigences légales en matière de détention du bétail en investissant dans des courettes extérieures accessibles en permanence, des brosses automatiques, ou encore des brumisateurs, augmentant le confort de l’animal.
Les progrès techniques ont aussi permis de réduire le travail manuel et de raccourcir le temps de traite, une aubaine pour les éleveurs comme pour les animaux. S’il existe de nombreux modèles de machines à traire, un modèle particulièrement respectueux des vaches a gagné en popularité dans le pays ces dernières années: le système de traite automatique, aussi appelé «robot de traite». Avec cet outil, la traite est entièrement automatisée et les vaches peuvent se faire traire quand bon leur semble, mais au minimum deux fois par jour pour garantir leur bien-être.
Le pays de l’herbe élève des vaches durablement
Le territoire agricole suisse est composé pour 70% de prés et pâturages. Digérer l’herbe n’étant pas accessible à l’humain, la vache permet de la transformer en énergie calorifique. L’élevage bovin met donc en valeur ces surfaces et cette herbe (qu’elle soit fraîche, séchée ou fermentée – selon le même principe que la choucroute), d’un point de vue économique mais aussi paysager, au travers d’une production durable.
D’autant que la Suisse, au contraire d’autre pays, met en valeur l’existant et ne déboise pas ses forêts pour créer de nouvelles surfaces pour les animaux. De plus, le besoin en eau pour la production laitière suisse est inférieure de deux à quatre fois à la consommation de nos voisins, et notamment la France, l’Italie et l’Allemagne.
La durabilité va de pair avec la mobilité économique
Avec 1,2 vache pour 10’000 m2 d’herbe, la Suisse affiche un bilan environnemental satisfaisant, ce qui n’est pas forcément le cas du point de vue de l’économicité. Car force est de constater que la pression sur la baisse des prix démontre que l’agriculture seule ne peut résoudre la complexe équation de moins d’impact environnemental tout en dégageant plus de moyen financier.
Ainsi, la viabilité d’une exploitation laitière nécessite une relation de confiance, et une garantie du paiement juste de l’ensemble des prestations d’intérêts généraux qui permettent à bien d’autres secteurs de vivre et de capitaliser sur cette image d’une Suisse verte et entretenue.