Faut-il renoncer à la culture de la betterave sucrière en Suisse et importer notre sucre? Peut-on vivre sans sucre suisse? On fait le point.
Oui, les plantes aussi ont des virus
Les betteraves suisses et européennes sont attaquées par un virus qui provoque une jaunisse. Cette maladie réduit les racines et, donc, leur teneur en sucre, raison pour laquelle on les cultive. En 2020, les effets de cette maladie ont engendré une baisse catastrophique de la récolte, particulièrement en Suisse occidentale (par exemple près de 40% en moyenne pour le canton de Vaud, qui représente un quart de la production suisse). Ceci s’ajoute à d’autres problèmes culturaux survenus ces dernières années.
Ce virus se transmet via une piqûre de puceron. Si la présence de ces insectes n’est en général pas un danger pour les plantes cultivées, la transmission de la maladie est ici le vrai problème: deux pucerons suffisent pour inoculer le virus à une plante.
Hélas, les prédateurs naturels des pucerons, comme les coccinelles, sont insuffisants pour les éradiquer. Les betteraviers sont donc contraints de traiter leurs récoltes avec des insecticides. La technique de l’enrobage de la graine avec des néonicotinoïdes a été interdite en Europe et en Suisse en 2019 et les traitements alternatifs par épandage ne sont pas aussi efficaces. Pour contrer la jaunisse, l’enrobage par néonicotinoïdes a donc provisoirement été autorisé en Europe pour trois ans. Sollicité par les professionnels pour faire de même en Suisse, l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) a finalement maintenu l’interdiction et autorisé deux autres produits pour les betteraves, mais moins efficaces.
Toute une filière 100% suisse concernée
Les betteraves sont semées au printemps et poussent jusqu’à l’automne, où elles sont récoltées en entier, feuilles et racine. C’est de la racine qu’est extrait le sucre, via un processus appliqué en Suisse dans deux usines à Aarberg (BE) et Frauenfeld (TG). Comment ça marche? Réponse ici en vidéo.
C’est donc toute une filière, comprenant infrastructures et emplois, qui dépend de la culture des betteraves sucrières en Suisse. Et c’est aussi une garantie de qualité et de respect des normes de pouvoir assurer de A à Z l’ensemble du processus de transformation sur sol suisse.
Mais, on l’a vu, cette plante est fragile. Et les moyens de lutte alternatifs aux produits de protection font défaut. La recherche s’active à développer des variétés plus résistantes, mais elle a encore besoin de plusieurs années pour aboutir.
Dans le canton de Vaud, les organisations professionnelles et l’État se sont associés pour venir en aide aux betteraviers frappés par cette crise. Un plan de soutien financier conditionné à la réduction du recours aux produits phytosanitaires a été mis en place en novembre 2020 afin de permettre aux producteurs de compenser en partie les pertes.
Faut-il renoncer à la betterave suisse et importer notre sucre?
«C’est un poison qui donne le diabète et rend les gens obèses», s’offusquent les détracteurs du sucre. C’est oublier que, comme toute chose, il doit être consommé avec modération. En outre, c’est le carburant essentiel du cerveau: il a permis à l’être humain de devenir ce qu’il est. On le trouve aussi dans les fruits, c’est un aliment de base, comme la farine, les œufs, le lait ou le sel. Le sucre est un composant essentiel des aliments usuels traditionnels et locaux: biscuits, chocolat, confiture…
Si la production suisse s’effondre parce que les maladies diminuent les rendements, empêchant ainsi les sucreries d’Aarberg et Frauenfeld de tourner correctement, il faudra importer car dans le même temps la consommation, elle, se poursuivra. Il s’agira alors soit de sucre européen tiré de betteraves produites avec des néonicotinoïdes prohibés en Suisse, soit du sucre de canne (ou du sirop de glucose) produit beaucoup plus loin, dans des conditions que l’on ne contrôle pas. En d’autres termes, une forme de concurrence déloyale.