Agriculture, synonyme de pollution, comme certains le prétendent? Les paysans suisses déversent-ils à l’envi des tonnes de pesticides dans les cours d’eau et les lacs? Et si on replaçait un peu les choses dans leur contexte…
L’agriculture n’utilise qu’une faible part des produits chimiques
Près de 140’000 produits chimiques sont homologués en Europe et utilisés pour les cosmétiques, médicaments, peintures, colorants, additifs alimentaires et dans l’agriculture. Sur ces 140’000, on ne connaît la dangerosité que de 30’000 substances. En Suisse, moins de 400 produits phytosanitaires (les médicaments des plantes) sont homologués dans les différentes approches culturales, bio compris.
La présence de ces phytos – notamment dans l’eau – est très contrôlée. Ainsi, tous les produits phytosanitaires homologués en Suisse (376 en 2019) sont par exemple recherchés par la CIPEL dans les eaux du Léman. L’Ordonnance sur la protection des eaux leur fixe un seuil limite à 0,1 microgramme (millionième de gramme) par litre et par substance. Cela équivaudrait à quelques cristaux de sucre (0,2 gramme) dans une piscine olympique.
«Aussi peu que possible
C’est le leitmotiv de l’agriculture suisse
mais autant que nécessaire»
pour les traitements phytos.
Qu’en est-il des médicaments et des microplastiques, qui sont d’autres polluants bien connus ? En Suisse, il existe une norme pour deux médicaments (0,1 microgramme par litre), mais il n’y en a pas pour tous les autres; et seuls 65 médicaments (sur les 2’000 à 3’000 vendus dans le pays) sont par exemple recherchés dans les eaux du Léman. Idem pour les différents additifs, cosmétiques, colorants et peintures, ainsi que les pesticides non agricoles. Alors que les produits phytosanitaires sont de loin les plus contrôlés en Suisse, la volonté et les moyens manquent pour les nombreuses autres substances potentiellement dangereuses.
Mais il y a pourtant bien une pollution agricole dans les cours d’eau?
En réalité, les études présentées par les militants antiphytos sont systématiquement choisies pour montrer la face sombre de l’agriculture et omettent en permanence de parler de la présence d’autres produits chimiques dans l’eau. La démarche fréquente dans ces travaux est de tirer ses données de zones rurales, impliquant ainsi forcément que les polluants trouvés proviennent des cultures et non de l’industrie, des routes ou des ménages.
Or, pour les grandes rivières et les grands lacs, les résultats sont complètement différents. Dans le Rhin par exemple, une étude de la Confédération de 2016 montre que moins de 1% des polluants sont des phytosanitaires. Dans le Léman, le seuil de 0,1 microgramme par litre n’est atteint pour aucun des 28 pesticides agricoles retrouvés. Des pesticides anciens (aujourd’hui interdits) présentent les taux les plus élevés mais même ceux-ci sont 5 à 100 fois en dessous de la limite autorisée. Les concentrations individuelles des médicaments retrouvés atteignent quant à elles jusqu’à cinq fois la limite autorisée pour les phytos, soit 25 fois plus que le produit phyto le plus présent dans le lac. Une étude récente a aussi montré que 60% des plastiques qu’on trouve dans le Léman viennent des pneus des voitures!
Quand on parle de phytosanitaires «retrouvés», il ne faut pas oublier que nombre d’entre eux ne sont pas dus à l’activité agricole, mais proviennent des jardins privés, des forêts, des peintures, des goudrons, etc.
Beaucoup de phytos détectés ne sont plus utilisés de nos jours. Au siècle passé, on ne s’inquiétait en effet pas encore de la durée de vie des produits et ceux-ci se retrouvent hélas encore aujourd’hui dans les eaux, sols et sédiments. Depuis, la durée de vie et l’impact sur l’environnement sont devenus des éléments centraux lors de la conception d’un nouveau produit phytosanitaire. L’avantage des phytos de synthèse modernes est qu’il est possible de créer des produits ciblés, précis et qui se dégradent rapidement.
L’agriculture est accusée principalement parce qu’elle est la plus (voire la seule) contrôlée
Tant en agriculture qu’en élevage, la Suisse a de loin les normes de production les plus strictes au monde. La nourriture produite est saine et les résidus et traces de pesticides sont très faibles ou inexistants. Les produits phytos sont très contrôlés et systématiquement recherchés dans les eaux.
«Aussi peu que possible mais autant que nécessaire» est le leitmotiv de l’agriculture suisse pour les traitements phytos. L’agriculture et la recherche agricole s’adaptent en permanence et ce qui se faisait il y a 50, 30 ans ou même 15 ans se fait souvent différemment aujourd’hui. L’adaptation est constante et les agriculteurs cherchent à réduire leur utilisation de produits phytos au maximum. Par exemple, le Plan d’action Produits phytosanitaires de l’Office fédéral de l’agriculture (2016) donne des résultats déjà très encourageants!
On en parle avec un spécialiste du sujet, c’est notre podcast Agricast – épisode 02!
La vidéo est disponible en format court en cliquant ici!
Viticulteur et arboriculteur en Valais, Richard Pellissier connaît bien tout ce qui tourne autour de l’usage de produits phytosanitaires, ceux autorisés en bio y compris. Dans cet entretien avec Grégoire Nappey, responsable de la communication de Prométerre, chambre d’agriculture du canton de Vaud, il replace ces questions dans leur contexte et remet les enjeux à leur juste échelle.